Echos de nos balades matinales au moment de la reprise de nos activités

Sonnerie du rĂ©veil Ă  cinq heures du matin. Heureux de reprendre nos randonnĂ©es dominicales aprĂšs six mois d’interruption.

A peine hors de la voiture, les notes mĂ©talliques et trilles aigus des mĂ©sanges viennent titiller nos oreilles. On marche vers le point de rendez-vous. Le soleil rĂ©chauffe l’Ă©tang de ses premiers rayons. Un couple de fuligules morillons dessine des ronds Ă  la surface de l’eau. Le mĂąle arbore une fine huppe noire, mince couette tombant sur sa nuque. A cette timide coiffe nuptiale, rĂ©pond le cousin milouin par une splendide tĂȘte rousse brillante de mille feux.
La température est douce. Les conditions sont idéales pour cette aube des oiseaux.
Les roseaux vibrent aux danses des rousserolles. Une mĂ©sange bleue nourrit ses jeunes dans un nichoir accrochĂ© Ă  un lampadaire. Une grive musicienne s’Ă©poumone. Son refrain cadencĂ© et rĂ©pĂ©tĂ© nous intime de presser le pas. Fini de batifoler. Il ne manquerait plus qu’on loupe le dĂ©part de cette balade tant attendue !

ArrivĂ©e Ă  la Laiterie de la forĂȘt de Soignes, notre point de ralliement. Mario est dĂ©jĂ  lĂ , entourĂ© des premiers promeneurs. On entre dans la ronde. On se salue. Pattes-d’oie au coin des yeux. Les sourires se devinent sous les masques protecteurs.
Mario commence Ă  raconter. Les chants du printemps, les mĂąles marquent leur territoire, territoires aux frontiĂšres inconnues de nous. Invisibles lignes de dĂ©marcation. Il s’interrompt pour nous laisser entendre le hennissement du grĂšbe castagneux. « ChĂątaigne » comme la couleur de ce tout petit oiseau aquatique. Pas pour son goĂ»t de la castagne !
Il poursuit. Les chants du printemps, les mĂąles chantent pour attirer les femelles. Justement, un troglodyte mignon, petite boule de plumes dodue, la queue en l’air toute frĂ©tillante, se met Ă  dĂ©ployer un air puissant et vigoureux. L’occasion pour notre guide de disserter sur les habitudes polygames de ces petits vertĂ©brĂ©s. Le mĂąle construit plusieurs nids. Il s’accouple Ă  plusieurs femelles. Celles-ci pondent leurs Ɠufs. Elles couvent seules. Oui seules. Ô mĂąles ingrats ! Les parents assurent Ă  deux le nourrissage des petits. Ouf ! L’honneur de l’espĂšce est prĂ©servĂ© ! La polygamie des mĂąles et polyandrie des femelles assureront une descendance plus robuste. Quand la gĂ©nĂ©tique vient au secours des mƓurs, on est sauvĂ©s !

Marche le long de l’Ă©tang. Des foulques macroules se toisent. PrĂȘtes pour le combat territorial ? Le couple de cygnes a quittĂ© le nid. Ils promĂšnent leur majestueuse silhouette ivoire Ă  la surface de l’eau. Six Ɠufs Ă©cloront dans plus ou moins deux semaines. On dirige les jumelles vers l’antre du martin-pĂȘcheur. Lui aussi a dĂ©sertĂ©, sĂ»rement en quĂȘte de nourriture pour sa progĂ©niture.
Retour sur nos pas. Petite incursion dans le domaine des silex Ă  la recherche du verdier. Le pinson lance sa phrase Ă©clatante au crescendo joyeux. Le pic vert rit aux Ă©clats. Le barbu de Boitsfort s’Ă©gosille. Entre ses cocoricos, on perçoit la subtile mĂ©lodie haut perchĂ©e des roitelets et les quelques notes aiguĂ«s du grimpereau. Un lapin dĂ©tale dans la prairie. Les moutons viennent nous rendre une petite visite.
On quitte la rĂ©serve naturelle sous les roucoulements du pigeon ramier – un, deux, trois, tourterelle turque, quatre, cinq, pigeon ramier – et le tchif-tchaf scandĂ© – un, deux, un, deux – du pouillot vĂ©loce. On longe de nouveau l’Ă©tang de Boitsfort. Des fauvettes Ă  tĂȘte noire, bavardes intarissables, entonnent leur refrain mĂ©lodieux et rĂ©pĂ©titif. On aperçoit au loin le ventre jaune de la bergeronnette des ruisseaux. Elle se dandine sur une vieille branche juste au dessus de l’Ă©tang. Dans le ciel, cinq mĂąles colverts pourchassent une femelle. Et, oh, surprise, deux chevaliers guignettes volent Ă  la surface de l’eau. Nous sommes comblĂ©s !
Les rousserolles effarvattes sont toujours en pleine effervescence. Elles sautent d’un roseau Ă  l’autre. Elles pĂšsent douze grammes, arrivent d’Afrique, ont survolĂ© mers et dĂ©serts. Huit mille kilomĂštres Ă  la force de leurs ailes et sans GPS ! Au bout de ce long pĂ©riple, elles retrouvent ce petit coin de roseliĂšre, peut-ĂȘtre celui qui les a vu naĂźtre, Ă  l’angle du chemin des Silex et de l’avenue de la Foresterie. Les interrogations nous submergent. Pourquoi ces longs voyages ? Comment s’orientent-elles ? D’oĂč vient cet attachement Ă  leur lieu de naissance ? Que le mystĂšre demeure !

ArrĂȘt devant le restaurant Le canard sauvage. Un petit espace dans la ville, biotope favorable au rougequeue. Des vieilles pierres qui font office de parois rocheuses pour ces oiseaux originaires des montagnes. Aujourd’hui, les rougequeues ont choisi de ne pas se montrer. C’est aussi ça la beautĂ© de l’observation, l’attente non assouvie. On grimpe dans la rue du buis. Le piaillement des moineaux nous accompagne. Ceux-lĂ  ont eu la chance de trouver une corniche, un trou de boulin, une tuile pour nicher. Une hirondelle pointe le bout du bec hors de son nichoir. Les douze paires d’yeux braquĂ©es sur elle la font vite rentrer au nid !

On pĂ©nĂštre dans le cimetiĂšre de Boitsfort. Et si la compagnie des oiseaux nous rendait plus sereins face Ă  la mort ? Un rougegorge nous regarde, perchĂ© du haut de sa croix. Il entonne quelques notes mĂ©lancoliques. Observation de l’environnement en silence. Moment de recueillement.
Dans les villes, ces lieux prĂ©servĂ©s sont de plus en plus rares. Occasion d’un rappel sur la folie destructrice des promoteurs, Ă  l’affĂ»t de la moindre friche, une calamitĂ© pour la biodiversitĂ©. Mario semble atterrĂ©. AtterrĂ© mais pas rĂ©signĂ© ! Le public Ă©tait conquis d’avance.

Redescente dans la rue du buis, direction le Coin du Balai, et retour au repaire des rousserolles. La promenade se termine ici.
La prochaine activité, programmée pour le vendredi 14 mai, est la croule de la bécasse. Ce sera au crépuscule, cette fois, quand ce limicole déploie son chant nuptial.
On se quitte. Mario nous dit Ă  bientĂŽt sans oublier de souhaiter une bonne fĂȘte Ă  toutes les mamans ! On vient de passer deux heures rythmĂ©es par le chant des oiseaux et les paroles d’un conteur. Ça fait un bien fou !

Texte et photos de Nathalie Vansieleghem.