Le Grèbe huppé (Podiceps cristatus) est une espèce de l’Ancien Monde. Il se reproduit dans presque toute l’Europe, jusqu’à l’est de la Pologne et, vers le nord, jusqu’au sud de la Suède. La vie de ce grèbe se passe tout entière sur l’eau ou dans l’eau et cette existence aussi strictement aquatique ne va pas sans une adaptation extrêmement poussée.
La position des pattes est révélatrice à cet égard : elles apparaissent tout à l’arrière du long corps en fuseau, comme les hélices à la poupe d’un navire. Les tarses, fortement aplatis latéralement, fendent l’eau avec le minimum de résistance. Chaque côté des doigts non palmés est orné de larges membranes distinctes qui n’ont pas moins d’efficacité que les doigts complètement palmés des canards. La propulsion est due uniquement à la force des pattes car les ailes ne sortent pas des poches que forme le duvet protecteur des flancs. Ce duvet épais, serré, soigneusement entretenu et graissé, ressemble à une fourrure imperméable. Si avantageuse qu’elle soit pour la vie aquatique, la position des pattes ne lui permet pas de marcher et de se tenir debout qu’à grand-peine. Aussi, le Grèbe huppé n’aime-t-il pas se reposer à terre où sa lourdeur maladroite l’expose à trop de dangers.
Le Grèbe huppé niche dans notre pays sur toutes sortes de plans d’eaux stagnantes pour autant qu’ils soient purs et poissonneux. A l’origine, son habitat naturel était limité à des étangs et des lacs d’une certaine étendue bordés de larges franges de roseaux. Espèce protégée inconditionnellement, elle
accepte maintenant des plans d’eau plus petits et même dépourvus de végétation, nouvellement creusés (tels que argilières, sablières et gravières sous eau, des terrains de remblais inondés, etc.), des criques poldériennes et même des douves. Elle s’est adaptée au voisinage de l’homme et niche dans des sites très fréquentés, voire dans des parcs urbains ou des ports de plaisance.
Le Grèbe huppé parade en plusieurs phases comprenant des postures et des cris particuliers. Cela reflète bien la complexité des comportements nuptiaux de cette famille d’oiseaux. Le mâle commence par lancer une série d’appels semblables à des miaulements pour attirer la femelle. Suit la phase de découverte où l’un des partenaires s’immerge et nage sous l’eau pour reparaitre de temps en temps et épier l’autre et s’en approcher en nageant, se mettre à la verticale sur l’eau et adopter la position du pingouin. Les deux individus se font face avec des touffes de plumes auriculaires érigées, lancent des trilles et d’autres cris tout en secouant la tête à répétition. La danse nuptiale peut durer des dizaines de minutes. Totalement occupés à se faire la cour, les grèbes prêtent peu d’attention à ce qui se passe autour d’eux et sont dès lors vulnérables.
La deuxième partie du cérémonial se joue à proximité du lieu où sera construit le nid. Les deux oiseaux se
mettent côte à côte, s’immergent et reparaissent le bec plein de plantes aquatiques en fonçant l’un sur l’autre. Avant le contact, ils se dressent poitrine contre poitrine. Ensuite les partenaires peuvent s’échanger des plantes ou des plumes. La cérémonie se termine sur le nid ou sur la plateforme provisoire où il sera construit. La femelle prend alors des postures d’invite envers le mâle qui se concluent par l’accouplement.
Le nid est toujours construit sur l’eau mais arrimé à de la végétation ou à des branches d’un arbre tombé
à l’eau. Quand ils s’éloignent du nid, ils protègent leurs oeufs blancs en les recouvrant de restes de plantes aquatiques qui, à la longue, les colorent quelque peu.
Les grèbes sont essentiellement piscivores mais consomment aussi des amphibiens (grenouilles et tritons) ainsi que de grosses larves de libellules. Parfois, les adultes donnent des plumes à leurs petits pour les protéger des arêtes de poissons. Régulièrement les poussins sont transportés sur le dos d’un parent : cela les protège des prédateurs sous-marins (brochet) ou leur permet de se reposer.
En hiver, cet oiseau recherche des plans d’eau libres de gel, et donc il n’hésite pas à prendre la direction des côtes. Cou tendu et battements d’ailes rapides, il migre de nuit. Les effectifs européens sont estimés entre 300 000 et 450 000 couples, dont 13 à 16 000 couples au Pays-Bas, et 19 à 22 000 en Allemagne.
En Belgique l’espèce était rare et localisée au début du 20ème siècle, l’explosion démographique au cours de la seconde moitié est principalement due à la protection légale et à la création d’une multitude d’étangs poissonneux. Actuellement, l’espèce est répandue en Basse et Moyenne-Belgique. La population est estimée entre 1 100 et 1 500 couples en Flandre et 400 à 500 en Wallonie. Bruxelles abrite entre
10 à 20 couples. Depuis le 5 mai dernier, nous avons le plaisir d’observer les jeunes éclos du couple installé sur le grand étang de Boitsfort. Mais nouveauté 2024, un couple a tenté de s’installer sur l’étang du domaine des Silex.