En avril dernier deux individus ont Ă©tĂ© observĂ©s lors de leur passage migratoire printanier au-dessus du Domaine des Silex. Rien dâexceptionnel, car lâespĂšce survole rĂ©guliĂšrement la Belgique. RĂ©cemment, un individu volait bien bas lorsquâil a Ă©tĂ© repĂ©rĂ©, donnant lâimpression de sâenvoler depuis le Grand Etang de Boitsfort.

Le Balbuzard pĂȘcheur est en fait lâaigle le plus spĂ©cialisĂ© dans la pĂȘche et un excellent exemple dâadaptation de sa morphologie Ă cette activitĂ© caractĂ©ristique de cet oiseau de proie. Ses singularitĂ©s les plus apparentes se marquent dans ses membres infĂ©rieurs : jambes fortes et trĂšs dĂ©gagĂ©es, au plumage court et serrĂ©, sans les âculottesâ flottantes des autres rapaces ; ses tarses nus et ses doigts sont assez courts, mais puissants, ces derniers Ă©tant revĂȘtus Ă la base dâĂ©cailles dures Ă saillie pointue qui lui confĂšrent une rugositĂ© de rĂąpe. Le doigt externe de chaque pied est mobile et peut se ranger Ă cĂŽtĂ© du postĂ©rieur pour assurer une prise symĂ©trique et plus ferme. Les griffes enfin, de section ronde, ont une longueur et une courbure exceptionnelle. VoilĂ des outils efficaces pour saisir les poissons.
En gĂ©nĂ©ral, le Balbuzard cherche sa proie en faisant du vol sur place Ă 20-30 m de haut au-dessus de lâeau. DĂšs quâil lâa repĂ©rĂ©e, il pique les ailes Ă demi repliĂ©es et, juste avant dâentrer dans lâeau, tend les pattes en avant. Il sâenfonce plus ou moins sous la surface puis sort, tenant le poisson dans ses serres, il le transporte sur un arbre oĂč il a lâhabitude de dĂ©pecer ses proies.
Si le poisson est trop gros pour ĂȘtre emportĂ©, lâoiseau le laisse tomber. Cependant il arrive quâil ne puisse dĂ©gager ses griffes dâune trĂšs grand poisson et, dans ce cas, il est entraĂźnĂ© sous lâeau et pĂ©rit noyĂ©.
Le Balbuzard porte donc bien son qualificatif : câest seulement quand la glace, la pluie, le brouillard ou la turbiditĂ© de lâeau lâempĂȘchent de plonger quâil sâen prend Ă dâautres proies (micromammifĂšres, oiseaux, reptiles, amphibiens, crustacĂ©s et colĂ©optĂšres). Mais il sâagit lĂ dâexceptions. Le choix des poissons pĂȘchĂ©s dĂ©pend en fait de leur accessibilitĂ© et de leur abondance spĂ©cifique.
LâespĂšce aurait Ă©tĂ© jadis un nicheur rĂ©gulier en Ardenne et dans la vallĂ©e de la Meuse. A prĂ©sent, elle y est observĂ©e chaque annĂ©e avec des estivages irrĂ©guliers. Vu la progression actuelle de lâespĂšce en Europe, il est possible que ce rapace se rĂ©installe dans un futur relativement proche sur notre territoire.
Le Balbuzard est un grand migrateur. La population europĂ©enne, Ă lâexception des oiseaux mĂ©diterranĂ©ens, passe lâhiver en Afrique. Il utilise un large front de migration et ne craint pas de traverser les mers et les dĂ©serts. Les jeunes de lâannĂ©e migrent eux aussi en septembre, et restent 1 Ă 2 ans sur les sites dâhivernage avant de revenir en Europe.
Cet oiseau a connu un dĂ©clin considĂ©rable en raison des persĂ©cutions directes dont il a Ă©tĂ© lâobjet au XIXe siĂšcle et au dĂ©but du XXe. Il a ensuite souffert des pesticides organochlorĂ©s jusquâau dĂ©but des annĂ©es 1970. Actuellement, lâespĂšce connaĂźt dans nos pays une lente mais nette expansion. La population europĂ©enne est estimĂ©e entre 5 500 et 6 500 couples nicheurs.
Lâorigine du nom de balbuzard proviendrait de bald (chauve, marquĂ© de blanc), en rĂ©fĂ©rence au contraste entre le dessus de la tĂȘte bien blanc et le masque foncĂ© en travers de lâĆil, et buzzard (petit vautour). Le nom latin de lâoiseau quant Ă lui ne manque pas dâintriguer. Pandion est, dans la mythologie grecque, le nom du cinquiĂšme roi dâAthĂšnes, pĂšre de deux soeurs, ProcnĂ© et PhilomĂšle, qui furent changĂ©es en rossignol et en hirondelle (ou lâinverse, tous les auteurs nâĂ©tant pas dâaccord) suite Ă des histoires familiales mouvementĂ©es et sanglantes. Mais quel rapport tout cela a-t-il avec le balbuzard ? Haliaetus vient Ă©galement du Grec et signifie aigle de mer⊠qui est mal choisi car lâespĂšce prĂ©fĂšre largement les lacs, Ă©tangs et cours dâeau mais est aussi observĂ© dans lâembouchure des grands fleuves.
Sa rĂ©partition Ă©tant cosmopolite (il est le deuxiĂšme rapace le plus rĂ©pandu au monde, aprĂšs le Faucon pĂšlerin), on ne sâĂ©tonnera pas de retrouver croyances et histoires le concernant, en provenance de toutes les parties du monde. En voici quelques exemples :
- Les Irlandais au XIIe siĂšcle prĂ©tendaient quâil excrĂ©tait une substance huileuse attirant les poissons et que lorsquâil plongeait son plumage huileux avait le mĂȘme effet.
- En Asie, le balbuzard est considéré comme le « Roi des oiseaux » et est célébré dans certaines histoires bouddhistes.
- Les chasseurs boliviens rapportent avoir Ă©tĂ© jusquâĂ insĂ©rer des os de balbuzard sous leur peau pour acquĂ©rir ses capacitĂ©s de chasse.
- Aux Etats-Unis, dans les tribus indiennes cĂŽtiĂšres, le balbuzard a un rĂŽle de gardien et on lui prĂȘte la capacitĂ© dâavertir dâun danger. Dans dâautres tribus, il est considĂ©rĂ© comme fier, voire arrogant. Quant Ă la tribu des Nez PercĂ©s, elle lui prĂȘte des compĂ©tences mĂ©dicales ! Voir un balbuzard en rĂȘve signifie chez eux que lâon a reçu un pouvoir spirituel en tant que guĂ©risseur.