De loin, on dirait une mĂ©sange qui explore mĂ©thodiquement les branches fines au faĂźte dâun arbre. PerchĂ© lĂ -haut, tout lĂ -haut, le petit oiseau noir et blanc se fige un instant⊠avant de poursuivre sa ronde. Et soudain, en frappant lâĂ©corce, son bec fait retentir la salve caractĂ©ristique dâun pic. Un mini-Ă©peiche : le Pic Ă©peichette.

Pour lâapercevoir, il faut de la chance et de la patience. Dâabord Ă cause de sa taille rĂ©duite, et surtout parce que cet oiseau frĂ©quente la canopĂ©e, cime de la forĂȘt oĂč les arbres rencontrent le ciel. Par goĂ»t ? Ou peut-ĂȘtre parce que cet Ă©tage est le seul lieu oĂč il trouve encore des branches mortes. A dix, vingt ou trente mĂštres du sol, le Pic Ă©peichette collecte en toute discrĂ©tion les insectes dans le bois et Ă sa surface. Ce pic en miniature aime les aulnes, les saules et les peupliers au bois tendre. Il habite par consĂ©quent les forĂȘts de plaine au sol volontiers un peu humide.
Câest donc le plus petit de nos pics, de la taille dâun gros moineau (14 Ă 16,5 cm). Le mĂąle se diffĂ©rencie de la femelle par une calotte rouge. HabillĂ© dâun plumage noir barrĂ© de blanc, il ne peut ĂȘtre confondu avec un autre PicidĂ© car il ne prĂ©sente pas de couleur rosĂ©e ou rouge au bas du ventre. Ses flancs sont gĂ©nĂ©ralement vaguement rayĂ©s. Son bec est court et pointu.
Câest un oiseau qui excelle dans lâart de grimper. Il accomplit son ascension en enfonçant ses ongles recourbĂ©s dans lâĂ©corce des arbres, puis, en prenant appui sur sa queue, il effectue de petits sauts rapides et prĂ©cis.

Au printemps, les Ă©peichettes signalent leur prĂ©sence par un rire aigu âkikiki…â. On dirait un cri de faucon crĂ©cerelle en plus faible et rĂ©pĂ©tĂ© en sĂ©rie. A ce chant rĂ©pond souvent un tambourinage dâune trentaine de coups rapides (max. 2 sec.), plus rĂ©gulier et moins bruyant que celui des autres pics. Le couple dialogue dâarbre en arbre⊠sans oublier de creuser ! Une Ă six semaines leur seront nĂ©cessaires pour tailler une cavitĂ© dans du bois vermoulu. LâaccĂšs est rond et dâun diamĂštre de 3 Ă 3,5 cm. La ponte, de quatre Ă six Ćufs blancs et brillants, est dĂ©posĂ©e sur une litiĂšre de copeaux et de dĂ©bris de bois. Quand vient le temps de couver, les deux oiseaux font silence. Les feuilles fraĂźchement Ă©closes masquent leurs allĂ©es et venues.
LâĂ©closion des poussins coĂŻncide avec le dĂ©veloppement dâune multitude de pucerons et de chenilles, proies faciles et favorables au nourrissage des jeunes. Câest surtout le mĂąle qui les ravitaille, Ă raison de dix Ă trente passages Ă lâheure. CalquĂ© sur le tempo de la forĂȘt, ce rythme soutenu permet lâenvol des jeunes trois petites semaines aprĂšs lâĂ©closion.
Seul pic Ă exploiter des branches aussi fines, lâEpeichette occupe une place originale en forĂȘt. Sâil se contente dâun secteur rĂ©duit Ă la belle saison, il a besoin dâun grand territoire pour passer lâhiver. Et, surtout, il lui faut impĂ©rativement quantitĂ© de petit bois sec. Il frĂ©quente les massifs de feuillus et dâessences mixtes, les boqueteaux ainsi que les parcs, jardins, vergers et rangĂ©es de vieux arbres. Il Ă©vite les rĂ©sineux et lâaltitude. On le trouve aussi parfois aux mangeoires en hiver, cĂŽtoyant dâautres petits passereaux.
La disparition des vieux vergers, la plantation de rĂ©sineux dans les forĂȘts humides et le nettoyage systĂ©matique des branches mortes ont entraĂźnĂ© son dĂ©clin dans de nombreuses rĂ©gions dâEurope. MalgrĂ© tout, il occupe toute lâEurope exceptĂ© la pĂ©ninsule ibĂ©rique, les grandes Ăźles mĂ©diterranĂ©ennes, le sud de lâItalie et de la GrĂšce ainsi que lâIrlande et lâEcosse. La population belge est estimĂ©e Ă quelque 3 000 couples.

